Véronique Vienne


The Self-Taught Design Critic. [...]

Véronique Vienne was a magazine art director in the USA when she began to write to better analyze and understand the work of the graphic designers, illustrators and photographers who collaborated with her.

Today she writes books and conducts workshops on design criticism as a creative tool.

 

Voir, regarder, apprécier : tout un programme. [...]

Véronique Vienne a été directrice artistique aux USA avant de commencer a écrire pour mieux comprendre ce que faisaient les graphistes, illustrateurs et photographes avec qui elle collaborait.

Aujourd’hui elle écrit des livres et anime des sessions de travail sur la critique du design graphique comme outil de création.


Sait-on encore ce
qu'est une affiche

Catalogue Chaumont 2010


Coincé entre le monde de la communication et celui de l’art contemporain, le graphisme a de plus en plus de mal à s’expliquer. Il ne veut être ni le support d’un message marketing, ni l’expression d’un discours artistique. Accusé par les uns de ne pas être assez explicite, il est éconduit par les autres comme trop didactique.

Le moment est sans doute venu de faire une relecture du célèbre texte de Walter Benjamin, "Lœuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique". Quand une oeuvre d’art est reproduite «mécaniquement» et exposée au regard d’un grand nombre, écrit-il, elle change de statut mais aussi de nature. Le nombre de tirages influence la manière dont elle est perçue, donc aussi la manière dont elle fonctionne.

Une très belle affiche tirée en dix exemplaires seulement (ce qui est le cas bien plus souvent qu’on ne le croit) ne peut pas être comparée à une très belle affiche placardée dans toutes les villes de France. La première est vécue comme « artistique », la seconde comme « graphique ». La première laisse à penser, la deuxième donne à penser.

La technique de reproduction serait donc un indice important. Plus important peut-être que la facture de l’œuvre, qui est souvent trompeuse, vu le rôle que joue l’ironie dans la manipulation des codes et des citations graphiques.

Pour être sûr qu’une affiche exposée n’est pas une œuvre d‘art déguisée en outil de communication, mais bien « du graphisme » (comme on dit « du Chopin » ou « du Mozart »), il suffirait donc de vérifier son mode de fabrication.

L’impression offset pourrait être considérée comme un certificat d’authenticité. La sérigraphie, par contre, laisserait planer un doute. L’impression numérique serait rédhibitoire, autant que la photocopie. Toute épreuve comportant des « augmentations » faites à la main, tels typo appliquée au pochoir, taches d’encre, formes découpées, assemblées ou collées, serait aussitôt éliminée comme coupable de « braconnage » en territoire graphique.

Malheureusement, raisonner de cette manière serait trop facile. Les membres du jury qui ont sélectionné les affiches pour le concours international du festival de Chaumont en ont fait l’expérience. Trop de travaux présentés ressemblaient à première vue à des recherches plastiques. L’œil le plus averti aurait pu s’y tromper.

Pour débusquer les œuvres d’art, il fallait les « exposer ». Autrement dit, il fallait être plusieurs à les regarder. Les juges votaient d’après leur conscience, mais examinaient les affiches coude à coude, tous rassemblés autour d’une même image. Walter Benjamin remarquait que les œuvres d’art, une fois reproduites et exposées, perdaient leur aura de mystère mais pouvaient acquérir une autre qualité qu’il décrivait comme « politique », dans le sens de « polis », la cité.

C’est donc en groupe qu’il faut visionner les affiches pour qu’elles prennent (ou non) leur vraie valeur civique.

Exposées à Chaumont, les affiches sélectionnées auront encore une fois une chance de prouver qu’elles appartiennent bien à cette étroite discipline qui n’est ni art ni communication. Ce qui est étonnant, c’est que ce changement de statut radical dont parle Walter Benjamin est un événement qui, s’il doit se produire, se produit instantanément. L’observateur solitaire qui s’est arrêté distraitement devant une affiche (pourquoi celle-là plutôt que sa voisine ?) sort soudain de son isolation. Il a envie de se tourner vers les autres, d’attraper quelqu’un au passage et de lui dire « Arrêtez-vous un moment. Venez voir cette affiche avec moi, regardons-la ensemble. »

Une affiche ne serait-elle pas tout simplement une image qui suscite un désir de regarder ensemble?


1/12 - Présenté au festival de Chaumont en 2010,  cet original par les frères Stenberg, 1928

1/12 - Présenté au festival de Chaumont en 2010, cet original par les frères Stenberg, 1928

2/12 - Affiche de Paul Burges, sélectionnée pour Chaumont 2010 sur le thème de l'illustration

2/12 - Affiche de Paul Burges, sélectionnée pour Chaumont 2010 sur le thème de l'illustration

2/13 -Autour du chantier Magenta à Paris, l'affichage présente les architectes, 2008

2/13 -Autour du chantier Magenta à Paris, l'affichage présente les architectes, 2008

4/12 - Publicité pour MacDonald's à La Défense à Paris, 2008

4/12 - Publicité pour MacDonald's à La Défense à Paris, 2008

5/12 - Affiche interactive, avec codes QR,  pour une chaine hôtelière à New York, 2009

5/12 - Affiche "interactive", avec codes QR, pour une chaine hôtelière à New York, 2009

6/12 - Affiche pour le Secours populaire par Pierre Bernard, 2010

6/12 - Affiche pour le Secours populaire par Pierre Bernard, 2010

7/12 - Affichage sauvage dans le Lower East Side à New York, 2005

7/12 - Affichage sauvage dans le Lower East Side à New York, 2005

8/12 - Affichage devant le Kunstmuseum à Bâle, 2005

8/12 - Affichage devant le Kunstmuseum à Bâle, 2005

9/12 - Certaines affiches deviennent plus belles lorsqu'elles sont déchirées, Chaumont, 2010

9/12 - Certaines affiches deviennent plus belles lorsqu'elles sont déchirées, Chaumont, 2010

10/12 - Au Musée Carnavalet à Paris,  une affiche joue en trompe l'oeil, 2009

10/12 - Au Musée Carnavalet à Paris, une affiche joue en trompe l'oeil, 2009

11/12 - Affiche Yves par Philippe Apeloig, acquise par le MoMA, 2010

11/12 - Affiche "Yves" par Philippe Apeloig, acquise par le MoMA, 2010

12/12 - Affiches par Vincent Perrottet, exposées au Havre, 2010

12/12 - Affiches par Vincent Perrottet, exposées au Havre, 2010